Face à la multiplication des arnaques et des publicités mensongères sur internet, les autorités françaises et européennes intensifient leurs efforts pour protéger les consommateurs. Tour d’horizon des nouvelles réglementations et sanctions qui visent à assainir le paysage du e-commerce.
Un arsenal juridique renforcé contre les pratiques trompeuses
La loi pour une République numérique de 2016 a marqué un tournant dans l’encadrement des pratiques commerciales en ligne. Elle impose notamment aux plateformes une obligation de transparence sur le classement et le référencement des offres. Plus récemment, le règlement européen P2B (Platform to Business) est venu compléter ce dispositif en 2020, en obligeant les places de marché à détailler leurs algorithmes de classement.
Au niveau pénal, l’article L121-2 du Code de la consommation sanctionne désormais plus sévèrement les pratiques commerciales trompeuses, avec des peines pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Les tribunaux n’hésitent plus à prononcer des sanctions exemplaires, comme l’illustre la condamnation en 2022 de Wish à une amende record de 3 millions d’euros pour tromperie sur la qualité des produits.
La traque aux faux avis s’intensifie
Les faux avis en ligne sont devenus le fléau numéro un du e-commerce. Pour y remédier, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a mis en place en 2021 un plan d’action spécifique. Les plateformes sont désormais tenues de vérifier l’authenticité des avis publiés, sous peine de lourdes sanctions.
La loi Climat et Résilience de 2021 va encore plus loin en créant un délit spécifique de manipulation des avis en ligne, passible d’un an d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Les géants du web comme Amazon ou Tripadvisor ont dû revoir en profondeur leurs systèmes de modération pour se conformer à ces nouvelles exigences.
L’influenceur marketing sous haute surveillance
Le marketing d’influence est devenu un levier majeur pour les marques, mais il s’accompagne de dérives préoccupantes. Pour y remédier, la loi visant à encadrer l’influence commerciale a été adoptée en juin 2023. Elle impose aux influenceurs de mentionner clairement le caractère publicitaire de leurs publications et interdit la promotion de certains produits comme les médicaments ou les paris sportifs.
L’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) a par ailleurs mis en place un certificat de l’influence responsable, visant à professionnaliser le secteur. Les plateformes comme Instagram ou TikTok ont également renforcé leurs outils de signalement des contenus sponsorisés non déclarés.
La lutte contre le dropshipping frauduleux s’organise
Le dropshipping, cette pratique consistant à vendre des produits sans les avoir en stock, est dans le collimateur des autorités. Si elle n’est pas illégale en soi, elle donne lieu à de nombreuses arnaques, avec des produits de mauvaise qualité ou jamais livrés. La DGCCRF a lancé en 2022 une vaste opération de contrôle ciblant spécifiquement les sites de dropshipping.
Le Parlement européen a quant à lui adopté en 2023 une résolution appelant à un meilleur encadrement de cette pratique. Il préconise notamment d’imposer aux vendeurs de déclarer explicitement s’ils pratiquent le dropshipping et de garantir des délais de livraison raisonnables.
Vers une régulation accrue des dark patterns
Les dark patterns, ces interfaces trompeuses visant à manipuler le comportement des internautes, sont dans le viseur des régulateurs. Le Digital Services Act européen, entré en vigueur en 2023, interdit expressément certaines de ces pratiques, comme l’ajout automatique de produits dans le panier ou les pop-ups intempestifs.
En France, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a publié en 2022 un guide de bonnes pratiques à destination des développeurs web pour lutter contre ces interfaces manipulatrices. Elle n’hésite plus à sanctionner les entreprises récalcitrantes, comme en témoigne l’amende de 60 millions d’euros infligée à Facebook en 2022 pour ses pratiques en matière de cookies.
Le défi de la régulation des cryptomonnaies
Le marketing agressif autour des cryptomonnaies et autres actifs numériques pose de sérieux problèmes de protection des consommateurs. Pour y remédier, l’AMF (Autorité des marchés financiers) a mis en place en 2020 un dispositif d’agrément obligatoire pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).
La loi PACTE de 2019 a par ailleurs interdit la publicité pour les produits les plus risqués comme les options binaires. L’Union européenne prépare de son côté un règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) qui devrait harmoniser la réglementation au niveau continental et renforcer la protection des investisseurs.
L’IA générative, nouveau défi pour les régulateurs
L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative soulève de nouvelles questions éthiques et juridiques. La capacité de ces outils à produire du contenu de façon automatisée, potentiellement trompeur, inquiète les autorités. Le Parlement européen a adopté en juin 2023 l’AI Act, un texte pionnier visant à encadrer le développement de l’IA en Europe.
En France, le Conseil national du numérique a publié en 2023 un rapport préconisant la mise en place d’un cadre éthique pour l’utilisation de l’IA générative dans le marketing. Il recommande notamment d’imposer une transparence totale sur l’utilisation de ces technologies et de renforcer les sanctions en cas de création de faux contenus à des fins commerciales.
Face à la sophistication croissante des techniques de marketing en ligne, les autorités françaises et européennes adaptent en permanence leur arsenal juridique. Si des progrès notables ont été réalisés, la course-poursuite avec les fraudeurs est loin d’être terminée. Une vigilance accrue des consommateurs reste de mise pour naviguer sereinement dans la jungle du e-commerce.